Caution et défaut de mise en garde : une décision qui confirme une position stricte
Le 12 mars 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision importante (n° 23-19.708) dans une affaire relative à une caution ou cette dernière n’avait pas été mise en garde.
Elle y confirme une interprétation stricte de l’ancien article 2308 du Code civil, concernant les recours de la caution contre le débiteur principal lorsque celle-ci paie la dette sans l’en informer. Cet arrêt, qui concerne un prêt immobilier cautionné, soulève des interrogations sur l’articulation entre la responsabilité du prêteur et la protection du débiteur.
Retour sur une affaire emblématique qui rappelle aux professionnels du droit du crédit les subtilités du recours en cas de défaut de mise en garde.
Un courtier IOBSP se doit de maitriser cette subtilité pour donner des conseils avisés à ses clients.
Le contexte : une dette payée sans avertissement préalable
Dans cette affaire, une banque avait accordé un prêt immobilier à deux emprunteurs, garanti par une caution professionnelle.
À la suite de difficultés de remboursement, la caution a réglé la dette auprès de la banque, sans en avertir les débiteurs. Elle a ensuite engagé une action en remboursement contre eux, s’appuyant sur la subrogation dans les droits du créancier initial.
Or, l’un des emprunteurs soutenait qu’il aurait pu opposer à la banque un défaut de mise en garde, susceptible de conduire à une indemnisation. En d’autres termes, si la caution l’avait prévenu, il aurait pu agir contre la banque pour manquement à son devoir d’information et obtenir des dommages et intérêts, pouvant partiellement éteindre la dette par compensation.
La cour d’appel lui donne raison, en application du second alinéa de l’ancien article 2308 du Code civil, selon lequel une caution ayant payé sans prévenir le débiteur ne dispose d’aucun recours si, à ce moment, le débiteur pouvait faire éteindre la dette.
La caution conteste cette décision devant la Cour de cassation.
La position de la Cour de cassation : pas d’extinction de la dette, même potentielle
La haute juridiction rejette le pourvoi de la caution. Elle estime que l’invocation d’un manquement au devoir de mise en garde ne constitue pas un moyen de faire déclarer la dette éteinte, au sens du texte précité. En effet, une action en responsabilité pour défaut de mise en garde donne lieu, tout au plus, à une créance d’indemnisation, dont l’obtention est conditionnée à une reconnaissance judiciaire.
Autrement dit, l’allégation d’un défaut de mise en garde ne produit pas, en soi, un effet extinctif immédiat de la dette. Elle ne permet donc pas d’entrer dans les prévisions du texte invoqué pour empêcher la caution d’exercer un recours.
Ce que dit le droit : rigueur du texte et logique juridique
L’arrêt s’appuie sur une interprétation littérale et rigoureuse de l’ancien article 2308 du Code civil (aujourd’hui codifié à l’article 2311). Selon ce texte, la caution perd son recours si elle a payé sans informer le débiteur, et que ce dernier disposait alors de moyens pour faire déclarer la dette éteinte.
Pour la Cour de cassation, deux éléments empêchent d’appliquer cette règle dans le cas présent :
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L’invocation d’un défaut de mise en garde ne conduit pas automatiquement à l’extinction de la dette : ce manquement donne lieu à une action en responsabilité civile, et non à une annulation du contrat de prêt. La dette n’est donc pas éteinte juridiquement, même si le débiteur peut en obtenir réparation.
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La compensation, si elle est possible, n’est que postérieure : l’extinction de la dette par compensation ne pourrait intervenir qu’une fois l’indemnité fixée, ce qui suppose une décision de justice à venir. Au moment du paiement par la caution, cette créance indemnitaire est encore incertaine.
Le raisonnement juridique est donc solide : pour que la caution perde son recours, il faut que le débiteur ait déjà un moyen juridique d’éteindre sa dette au moment du paiement. Or, une éventuelle créance d’indemnisation n’a pas encore d’existence certaine tant qu’elle n’a pas été reconnue par un juge.
Une lecture cohérente mais contestée
Cette position n’est pas nouvelle. Elle prolonge une jurisprudence initiée dès 2021, où la Cour refusait déjà de voir dans le défaut de mise en garde un motif d’extinction de dette au sens de l’article 2308.
Elle suscite toutefois des critiques. D’un point de vue pratique, on peut s’interroger : le débiteur, s’il avait été prévenu par la caution, aurait sans doute engagé une action en justice contre le prêteur. S’il obtenait gain de cause, il aurait pu opposer à la banque une compensation partielle ou totale de la dette, réduisant d’autant le paiement nécessaire.
Dès lors, en privant le débiteur de cette possibilité, la caution pourrait indirectement le priver d’une défense efficace. Cela amène certains auteurs à réclamer une interprétation plus souple, tenant compte de l’effet potentiel d’une compensation future. Mais la Cour de cassation reste fidèle à une logique de sécurité juridique : seule une dette effectivement éteinte ou éteignable immédiatement empêche la caution d’agir.
Un éclairage utile pour les professionnels du crédit
Pour les professionnels du financement – qu’ils soient juristes, courtiers ou formateurs –, cet arrêt apporte plusieurs enseignements essentiels :
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Il rappelle l’importance de la rigueur juridique dans le domaine du cautionnement, domaine souvent perçu comme secondaire par les emprunteurs mais crucial dans les litiges.
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Il souligne que la responsabilité du prêteur, même reconnue en justice, ne dispense pas toujours le débiteur de ses obligations initiales, tant qu’une décision indemnitaire n’a pas été rendue.
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Il montre enfin que le recours de la caution est un droit préservé tant que le débiteur ne disposait pas d’un moyen direct et actuel d’éteindre sa dette.
Ce qu’il faut retenir
L’arrêt du 12 mars 2025 s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation : la caution conserve ses droits contre le débiteur tant que celui-ci ne peut pas démontrer l’existence d’un moyen juridique d’extinction immédiate de la dette. La seule perspective d’une indemnisation pour défaut de mise en garde n’est pas suffisante.
Cette position rigoureuse protège la logique contractuelle du cautionnement, mais interroge sur l’équilibre des responsabilités entre créancier, débiteur et caution. Elle confirme, s’il en était besoin, que le droit du cautionnement demeure une matière technique, exigeant une parfaite maîtrise des textes et de la jurisprudence.
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