ACPR et distribution d’assurance depuis les pays tiers : vers une interdiction implicite des succursales ?
La distribution d’assurance, qu’il s’agisse de contrats vie, de produits prévoyance, d’assurance emprunteur ou de « produits de niche », est soumise à un cadre réglementaire strict en France.
Depuis le 1er avril 2022, notamment dans le domaine du démarchage téléphonique, les obligations se sont renforcées : recueil du consentement exprès, délai de réflexion de 24 heures, transmission de la documentation précontractuelle, conservation des enregistrements pendant deux ans.
Parallèlement, certains acteurs poursuivent des dispositifs de distribution via des centres d’appels ou des succursales établies dans des pays hors de l’Espace économique européen (EEE), visant une clientèle résidant en France.
Dans ce contexte, l’ACPR a publié un message de vigilance le 15 septembre (après l’avoir évoqué dans sa Revue du 23 juillet 2025) sous le titre « Démarchage téléphonique hors EEE : l’ACPR appelle les professionnels à la vigilance ».
L’autorité y adopte une interprétation plus rigoureuse que celle de la Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) en matière de succursales implantées dans des pays tiers.
Cet article a pour objet de décrypter la position de l’ACPR, d’en dégager les implications pour les distributeurs, assureurs, formateurs et intermédiaires, ainsi que d’indiquer les bonnes pratiques à retenir.
1. Le cadre réglementaire applicables au démarchage et à la distribution d’assurance
Avant d’entrer dans l’analyse de la position de l’ACPR, il est utile de rappeler le cadre réglementaire français et européen dans lequel s’inscrit cette question.
1.1 Le démarchage téléphonique en assurance
Depuis le 1er avril 2022, en France, le démarchage téléphonique en matière d’assurance est soumis à un cadre renforcé :
- recours au consentement exprès du client (le simple fait de rappeler un client ne suffit pas) ;
- obligation d’un délai de réflexion de 24 heures après l’envoi de la documentation précontractuelle ;
- transmission systématique de la documentation précontractuelle avant conclusion du contrat ;
- conservation des enregistrements des communications pendant deux ans.
Cette évolution vise à protéger les assurés et à encadrer plus strictement les pratiques de démarchage.
1.2 La distribution transfrontière en assurance et le passeport européen
Au niveau européen, la distribution d’assurance peut s’appuyer sur deux mécanismes principaux :
- l’immatriculation dans un État membre de l’EEE ou le recours au passeport européen ;
- la succursale ou le représentant dans un autre État membre, toujours dans le cadre du droit de libre prestation ou d’établissement.
La Autorité européenne des marchés financiers (ACPR) rappelle que ces mécanismes sont encadrés par la législation européenne et les directives (par exemple la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurance).
Par ailleurs, la Association des assurances de France (évoquée dans certaines analyses) et d’autres observateurs soulignent que la distribution depuis un pays tiers (hors de l’EEE) pose des questions de supervision, de protection des consommateurs et de conformité.
2. La prise de position de l’ACPR
L’ACPR va plus loin que la simple recommandation : elle élève certaines contraintes à un principe général. Voici comment se structure sa position.
2.1 Le message de l’ACPR
Par son article du 15 septembre, l’ACPR « appelle les professionnels à la vigilance » concernant le démarchage téléphonique hors EEE. Elle rappelle que les succursales implantées dans des pays tiers ne peuvent servir de relais vers le marché français si elles ne sont pas agréées ou immatriculées en France ou dans un État membre de l’EEE. En d’autres termes, elle considère qu’une succursale extra-européenne d’un distributeur immatriculé en France « ne saurait être mobilisée » pour commercialiser sur le territoire français des contrats couvrant des risques localisés en France.
Cette interprétation va au-delà de celle formulée par l’EIOPA, qui avait simplement rappelé que les succursales dans un pays tiers devaient servir le « marché local » et ne pas servir de contournement des règles européennes. L’ACPR, elle, semble ériger cette restriction en règle de bon fonctionnement.
2.2 Trois apports structurants
L’analyse peut se décliner en trois grands « apports » de la position de l’ACPR :
(i) Le principe de territorialité et de supervision
L’ACPR souligne que la distribution de contrats d’assurance couvrant des risques situés en France doit être réalisée par :
- des intermédiaires immatriculés en France, ou bien
- des intermédiaires établis dans un État membre de l’EEE bénéficiant du passeport européen.
Selon l’Autorité, toute autre modalité — notamment des centres d’appels ou des succursales hors EEE — constitue une atteinte au principe de territorialité et crée un obstacle à la supervision nationale.
(ii) La responsabilité des « animateurs de réseaux »
L’ACPR entend renforcer la responsabilité des acteurs qui « animent » des réseaux de distribution (ex : têtes de réseaux, assureurs, courtiers-organisateurs). Ceux-ci sont chargés de veiller à ce que leurs partenaires n’utilisent pas de structures illégales depuis l’étranger. Cela implique la mise en place de mécanismes d’audit internes, de contrôle des pratiques commerciales, et d’une obligation de vigilance accrue.
(iii) La gouvernance des produits et la chaîne de distribution
Conformément à sa doctrine « POG » (Product Oversight and Governance), l’ACPR insiste sur la responsabilité première des assureurs dans la conception et la distribution des produits. Cela implique d’intégrer dès la phase de conception la question de la conformité de la distribution, d’identifier les risques liés à des canaux extra-européens, et de documenter de façon rigoureuse l’ensemble des partenaires intermédiaires.
3. Implications concrètes pour les acteurs de la formation, de l’assurance et de l’intermédiation
La position de l’ACPR a des effets concrets à plusieurs niveaux. Pour un centre de formation comme CIB Formation, pour les intermédiaires, les assureurs et les réseaux, voici ce qu’il faut retenir.
3.1 Pour les intermédiaires et assureurs
- Il devient essentiel de vérifier que toute succursale ou tout centre d’appels utilisé pour démarcher des clients en France soit conforme (immatriculation française ou passeport européen).
- Les assureurs doivent revoir leurs contrats de distribution, leurs annexes réseau, pour expliciter la chaîne de responsabilité, l’audit, le reporting des partenaires.
- En cas de recours à une structure à l’étranger, ils doivent documenter la raison, le périmètre exact, s’assurer que cette structure ne cible pas les assurés français, et veiller à ce que la supervision soit effective.
- Les moteurs de conformité interne devront intégrer une rubrique « succursales/pays tiers » dans leurs cartographies de risques.
3.2 Pour les réseaux et formateurs
- Les animateurs de réseaux (groupes de courtiers, franchise, réseau d’agents) devront adapter leurs modules de formation pour sensibiliser les collaborateurs aux risques que représente l’utilisation de succursales hors EEE pour viser des clients français.
- Les modules IOBSP, IAS, DCI, etc., devront inclure désormais une « fiche pays tiers/distribution hors EEE ».
- Pour CIB Formation, c’est l’occasion de proposer un module spécialisé : « Distribution d’assurance depuis pays tiers et obligations de conformité ». Les participants pourront y comprendre les enjeux, la jurisprudence, le rôle de l’ACPR, les sanctions possibles, les bonnes pratiques.
- Le centre de formation peut également capitaliser sur cette actualité pour développer un « kit conformité réseau » à destination des têtes de réseaux (check-list, cartographie, audit).
3.3 Pour la stratégie des acteurs
- Les modèles d’utilisation de succursales hors EEE pour cibler le marché français doivent être remis en question. Même s’il n’y a pas (pour l’heure) d’interdiction légale explicite, la position de l’ACPR tend à créer de facto une « interdiction implicite ».
- Les acteurs doivent engager un audit de leur dispositif actuel : existe-t-il des centres d’appels à l’étranger, des succursales dans des pays tiers ? Si oui, quels sont les risques (conformité, encadrement, supervision, sanctions) ?
- Une bonne pratique consiste à recentrer la distribution sur des circuits clairement agréés : immatriculation française ou passeport européen, avec une documentation claire, un reporting précis, une gouvernance renforcée.
4. Les défis et questions ouvertes
La position de l’ACPR est volontariste et suscite des questions. Voici quelques réflexions à intégrer.
4.1 Une interprétation « radicale » ?
L’ACPR va au-delà de la recommandation de l’EIOPA, qui avait simplement alerté sur les succursales dans des pays tiers, en les cantonnant « au marché local ». L’ACPR, en revanche, en fait un principe général : aucune succursale hors EEE ne peut être « mobilisée » pour le marché français. On peut légitimement se demander si cette interprétation dépasse le droit positif ou s’il s’agit d’un usage extensif du pouvoir de supervision de l’ACPR.
Pour autant, même si la position n’est pas encore assortie de sanctions massives (à ma connaissance publique à ce jour), la logique d’application est claire : l’Autorité entend agir en amont de la distribution pour limiter les risques aux consommateurs.
4.2 Le risque de « modèles interdits de facto »
Si l’on suit la logique de l’ACPR, certains modèles de distribution via pays tiers deviendraient non durables. Cela pose un défi pour les acteurs qui avaient construit leur dispositif sur des succursales extra-européennes. Il faudra alors envisager de restructurer, de rapatrier ou de redéployer vers des pays de l’EEE ou vers la France directement.
4.3 L’enjeu de la protection du consommateur
Au-delà de la technique juridique, l’enjeu fondamental est la protection du consommateur. Les succursales hors EEE peuvent poser des difficultés de supervision, de droit applicable, d’information, de recours. L’ACPR met clairement en avant ce risque. Pour les réseaux de distribution et les formateurs, cela signifie qu’il ne s’agit pas seulement d’un enjeu de conformité mais aussi d’un enjeu de qualité, d’éthique, d’image.
5. Bonnes pratiques et recommandations pour les acteurs : formation, audit, gouvernance
Pour conclure cet article et donner des axes concrets, voici un ensemble de « bons réflexes » que tout acteur – formateur, réseau, intermédiaire, assureur – peut adopter.
- Cartographie des interventions hors EEE
- Identifier toutes les succursales, centres d’appels ou entités pays tiers utilisées dans la distribution.
- Pour chaque entité, vérifier l’immatriculation, le lieu de domiciliation (EEE ou non), le périmètre exact des clients ciblés (résidence en France ou non).
- Si une entité hors EEE vise des clients en France, documenter le risque et envisager la fermeture ou la conversion vers un schéma conforme.
- Révision des partenariats et contrats
- Mettre à jour les contrats de distribution pour prévoir explicitement l’interdiction de viser directement ou indirectement des clients français via pays tiers.
- Insérer des clauses d’audit, de reporting, de traçabilité des appels/démarchages, de données clients, de conservation des enregistrements.
- Préciser la responsabilité conjointe entre assureur, animateur de réseau et intermédiaire quant à la conformité de la chaîne.
- Mise à jour des programmes de formation
- Intégrer dans vos modules de formation (IOBSP, IAS, DCI 7h, etc.) une séquence spécifique « Distribution hors EEE et pays tiers ».
- Former les animateurs de réseaux à la détection des structures illégales, aux obligations de vigilance, à la documentation à conserver.
- Pour CIB Formation, proposer un atelier pratique « Audit interne distribution pays tiers ».
- Gouvernance et audit interne
- Mettre en place des audits périodiques (ex : tous les 12 mois) des partenaires, avec rapport à la direction conformité ou audit interne.
- Documenter les preuves de contrôle (rapports, check-lists, situations « hors EEE », mesures correctrices).
- Veiller à disposer d’un registre des entités hors EEE et de leur activité vis-à-vis du marché français.
- Communication et transparence
- Prévoir une communication adaptée aux clients pour qu’ils sachent que leur contrat est distribué dans un cadre conforme (France ou EEE) et que leurs droits sont protégés.
- Pour les formateurs : intégrer dans les supports pédagogiques des études de cas, « ce qu’il ne faut pas faire », et expliquer l’évolution de la doctrine ACPR.
Ce qu’il faut retenir sur les courtier en assurance et les sucurssales à l’étranger.
La position de l’ACPR marque un tournant : non plus une simple recommandation mais une mise en garde ferme quant à l’usage de succursales situées hors de l’EEE pour cibler la clientèle française.
Pour les acteurs de l’assurance, de l’intermédiation et de la formation, cela impose de revoir les schémas de distribution, d’adapter les programmes de formation, de renforcer la gouvernance, l’audit interne et la documentation.
Pour un centre de formation tel que CIB Formation, c’est l’opportunité d’accompagner le marché en dispensant une formation spécialisée, pratique et conforme, et de valoriser l’image d’expert-référent qui anticipe les évolutions réglementaires.
Enfin, pour les distributeurs et réseaux, en se conformant à cette évolution, ils assurent non seulement leur pérennité réglementaire, mais aussi un renforcement de la confiance clients et une protection accrue des consommateurs, ce qui, à long terme, est un levier différenciant.
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