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Réforme du crédit à la consommation DCC2 : des changements pour les intermédiaires

Par Pascal Cherin

23/10/2025

Directive  Crédit consommation DCC2 : ce que cela change pour les intermédiaires en opérations de banque

La transposition en droit français de la directive européenne dite « DCC2 » (directive n°2023/2225/UE du 18 octobre 2023 relative aux contrats de crédit aux consommateurs) vient d’être opérée via l’Ordonnance n° 2025‑880 du 3 septembre 2025.

Cette réforme, destinée à mettre à jour et à renforcer la protection des consommateurs en matière de crédit consommation, n’a pas seulement vocation à s’appliquer aux prêteurs : elle touche également, directement ou indirectement, les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (IOBSP)

Dans cet article, nous allons passer en revue les principales évolutions concernées, en mettant l’accent sur ce que cela signifie pratiquement pour les acteurs de l’intermédiation. Nous esquisserons ce qui change, ce qui reste identique, et ce que les professionnels doivent anticiper pour se mettre en conformité à l’issue de cette réforme DCC2.

Pourquoi cette réforme ?

L’objectif de la DCC2, et de sa transposition en France, est double :

  • d’une part, élargir le champ d’application du droit du crédit consommation (ce qui signifie que des opérations jusqu’ici « hors champ » peuvent désormais l’être)
  • d’autre part, renforcer les exigences de protection des consommateurs (dans la phase précontractuelle, lors de la conclusion ou de l’exécution du crédit) et garantir que les États-membres n’introduisent pas de dispositions divergentes ou affaiblissant les protections prévues par la directive.

Pour les intermédiaires, la question est : « en quoi mon métier, ma posture ou mes obligations changent-ils ? »

I. Les évolutions concernant l’exercice de l’activité des IOBSP

Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) sont visés par plusieurs des modifications apportées par l’ordonnance de transposition. Ces évolutions peuvent être regroupées suivant : les pratiques de l’intermédiaire (A), les règles de conduite et les compétences du personnel (B) et enfin la rémunération (C).

A. Pratiques attendues des intermédiaires

L’article L. 519-4-1 du Code monétaire et financier impose que les IOBSP « se comportent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et intérêts des clients, y compris des clients potentiels ».
Avec l’ordonnance transposant la DCC2, un nouvel alinéa a été ajouté : l’intermédiation de crédit et la prestation de services de conseil doivent s’appuyer « sur les informations relatives à la situation du client et sur toute demande spécifique formulée par celui‐ci, ainsi que sur les hypothèses raisonnables quant aux risques pour le client pendant toute la durée du contrat de crédit ».
Implication pratique : l’intermédiaire doit désormais anticiper non seulement la situation actuelle du client, mais aussi les risques futurs pendant la durée du crédit. Cela impose une vigilance accrue sur l’analyse des scénarios de remboursement, changements de revenus, aléas de marché, etc. Même si cette logique était déjà admise, la mention explicite de la durée du contrat rend l’obligation plus robuste.

B. Règles de conduite et exigences applicables au personnel

La réforme prévoit que les règles de conduite (activité d’élaboration, octroi, intermédiation, publicité) s’appliquent plus largement, y compris aux intermédiaires.
En outre :

  • L’article L. 341-23 (politique de rémunération du personnel et intermédiaires) est élargi pour le crédit à la consommation. Il prévoit que la politique de rémunération ne doit pas dépendre des objectifs de vente.
  • Pour les personnes autres que prêteurs ou intermédiaires, chargées par exemple de recueillir des informations ou d’expliquer des prêts dans un lieu de vente (ex. vendeur de voiture), une formation spécifique à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement est imposée ; des sanctions sont prévues en cas de manquement.
    Implication pratique : Les structures d’intermédiation devront s’assurer que leur personnel (conseillers, courtiers, collaborateurs) dispose des bonnes formations actualisées et veille à ce que la rémunération respecte bien les nouvelles exigences – en particulier l’absence d’incitation à l’objectif de vente.
  • Les compétences et connaissances professionnelles du personnel des prêteurs et des intermédiaires sont étendues au crédit à la consommation. Ceux-ci devront maîtriser l’élaboration, la proposition et l’octroi des contrats, les droits des consommateurs, ainsi que l’activité d’intermédiation.

C. Rémunération des IOBSP

Le droit actuel interdit à toute personne intervenant « à quelque titre » à l’octroi d’un prêt de percevoir des frais ou commissions avant le versement effectif des fonds prêtés.
L’ordonnance modifie :

  • Le nouvel alinéa de l’article L. 519-6 prévoit que la façon dont les intermédiaires rémunèrent leur personnel ne nuit pas au respect des obligations de l’article L. 519-4-1 (comportement honnête, équitable, transparent) ;
  • L’article L. 519-6-1 dispose que la politique de rémunération ne peut dépendre d’objectifs de vente et doit permettre de servir « au mieux les intérêts du client ».
    Implication pratique : Les courtiers et IOBSP doivent veiller à ce que leur modèle économique ne soit pas fondé sur des « objectifs commerciaux » encourageant la prise de crédit non adaptée au client. Cette exigence renforce la conformité et la gouvernance interne des entités d’intermédiation.

II. Les évolutions du rôle de l’IOBSP en matière de crédit à la consommation

Au-delà de l’exercice de l’activité, la réforme touche plus spécifiquement le rôle de l’intermédiaire dans les processus du crédit consommation : obligations précontractuelles (A), obligations lors de la conclusion et exécution du contrat (B), et enfin l’élargissement du « service de conseil » (C).

A. Obligations précontractuelles

  1. Mise à disposition d’informations générales : L’article L. 312-11-1 du Code de la consommation crée une obligation pour le prêteur ou l’intermédiaire de rendre disponibles, gratuitement, des informations générales, claires et compréhensibles sur les contrats de crédit relevant du chapitre II (crédit consommation) ; support papier ou durable. Une sanction administrative est prévue en cas de manquement.
  2. Fiche précontractuelle d’information (« FIPEN ») : L’obligation existe déjà pour le prêteur et l’intermédiaire. L’ordonnance clarifie la présentation (lisibilité, adaptation au support) sans bouleverser l’obligation.
  3. Fourniture d’explications adéquates : L’article L. 312-14 est précisé : explications sur les éléments de l’offre, sur les services accessoires, sur la possibilité de résilier séparément chaque composant, sur les conséquences financières en cas de défaut.
  4. Prise en compte par le prêteur des informations fournies par l’intermédiaire pour l’analyse de la solvabilité : Le futur article L. 312-16 alinéa III précise que les informations pertinentes et exactes relatives aux revenus, charges ou autres critères financiers doivent être recueillies, « y compris auprès de l’intermédiaire de crédit ».
    Implication pratique : L’IOBSP devra être vigilant à la qualité, à la complétude et à la transmission de l’information du client au prêteur. Même s’il n’est pas chargé d’analyser la solvabilité lui-même, il contribue désormais à cette phase. Le devoir de transparence et de traçabilité s’en trouve renforcé.

B. Obligations lors de la conclusion et de l’exécution

  1. Traitement automatisé de données à caractère personnel : Si l’offre est « personnalisée au moyen d’un traitement automatisé de données », le prêteur et l’intermédiaire doivent informer le consommateur de manière claire et compréhensible.
  2. Interdiction de consentement présupposé : Il est interdit que le crédit « qui n’a pas fait l’objet d’une demande préalable ou d’un accord explicite » soit octroyé. Pour l’intermédiaire, l’article L. 312-18-1 interdit d’utiliser des options prédéterminées (ex. cases pré-cochées) dans la proposition de crédit.
  3. Droit au remboursement anticipé : Le droit existait déjà. L’ordonnance modifie l’article L. 312-34 : la réduction du coût total du crédit doit désormais prendre en compte « tous les frais imposés par le prêteur à l’emprunteur ».
    Implication pratique : Pour l’IOBSP, cela signifie une vigilance accrue sur l’ensemble des éléments de l’offre (frais, services accessoires) et sur la manière dont ils seront expliqués au client. Même si l’intermédiaire n’émet pas l’offre finale, il est partie prenante de la conformité du dossier.

C. Élargissement du « service de conseil » en matière de crédit à la consommation

Jusqu’à présent, le service de conseil personnalisé (recommandations personnalisées en matière de crédit) était surtout encadré en matière de crédit immobilier. L’ordonnance étend ce mécanisme au crédit à la consommation : nouveaux articles L. 312-15-1 à L. 312-15-3 du Code de la consommation. Actu-Juridique
Cette extension est importante, car elle ouvre la possibilité pour l’intermédiaire (ou un prestataire de conseil) de proposer un service distinct de l’intermédiation ou de l’octroi, et de percevoir une rémunération, y compris si le conseil n’est pas « indépendant ». À la différence du régime du crédit immobilier, où la rémunération ne peut émaner que de l’emprunteur et que le conseil doit être indépendant, ici la rédaction est plus souple.
Implication pratique : Pour un courtier ou intermédiaire, il s’agit d’une opportunité : proposer un conseil rémunéré en crédit à la consommation (ex. stratégie de financement, comparaison de solutions, prévention du surendettement), distinct de l’intermédiation purement transactionnelle. Cela peut être un créneau de différenciation. Toutefois, il convient d’être attentif au respect des obligations d’information, de transparence des frais et de distinction claire entre le service de conseil et l’intermédiation.

III. Ce qui ne change (ou peu) pour l’IOBSP

L’article de référence souligne que, malgré ces nombreuses modifications, les répercussions pratiques pour l’activité des IOBSP devraient rester mesurées.
En effet :

  • De nombreuses obligations existaient déjà : l’obligation de comportement honnête/transparence, la formation professionnelle, la collecte d’informations clients, la remise de la fiche FIPEN, etc.
  • Les modifications ne bouleversent pas radicalement le cœur métier de l’intermédiation : l’IOBSP continue à présenter/proposer/conseiller sans devenir prêteur ou assumeur de crédit.
  • Certains ajustements apportés sont plutôt des précisions ou des sécurisations de l’existant (ex. prise en compte des risques sur toute la durée du contrat, ou l’élargissement des compétences requises).

Pour beaucoup d’entités d’intermédiation déjà bien structurées, cela signifie : « mettre à jour » plutôt que « réinventer ». Toutefois, le travail de conformité, de veille réglementaire et de documentation interne reste essentiel.

IV. Recommandations aux acteurs de l’intermédiation

Pour les IOBSP, courtiers, mandataires ou conseillers en services de paiement, voici quelques pistes d’action concrètes lors de la distribution d’un crédit consommation :

  1. Revue de votre documentation et de vos supports client
    • Vérifier que vos formulaires, fiches d’information, contrats de mandat et services de conseil indiquent clairement les frais, la nature du service (conseil vs intermédiation), la rémunération.
    • S’assurer que vos supports (papier ou numérique) respectent les nouvelles exigences de lisibilité, d’information sur traitements automatisés de données, de consentement explicite.
  2. Formation de vos collaborateurs
    • Vérifier que les conseillers disposent bien des compétences requises (crédit à la consommation, droits du consommateur, intermédiation, services de paiement).
    • Organiser une session de sensibilisation aux évolutions : indicateurs de risque, durée du crédit, incitations à la vente, transparence des frais.
  3. Modèle de rémunération et gouvernance interne
    • Vérifier que votre politique de rémunération ne dépend pas d’objectifs quantitatifs de vente, ou que cela n’incite pas à recommander des crédits non adaptés.
    • Documenter votre gouvernance : comment vous veillez à la conformité, comment vous traitez les dossiers, comment vous collectez et transmettez l’information au prêteur.
  4. Processus d’intermédiation et de conseil
    • Clarifier ce qui relève de l’intermédiation (présenter, proposer, aider à conclure) et ce qui relève du conseil (recommandations personnalisées) : facturation, mandat, traçabilité.
    • S’assurer que l’évaluation des besoins et la situation du client sont bien documentées et reposent sur des hypothèses raisonnables de risque sur toute la durée.
  5. Veille réglementaire et calendrier d’application
    • L’ordonnance prévoit que les mesures s’appliqueront à partir du 20 novembre 2026. Il est donc crucial de anticiper et de mettre en œuvre d’ici là les ajustements attendus.
    • Garder un œil sur les futurs décrets et arrêtés d’application (ex. liste et contenus des “informations générales”, modalités de formation, etc.).

Ce qu’il faut retenir sur la reforme du crédit consommation (DCC2) pour les intermédiaires.

La transposition de la DCC2 via l’ordonnance du 3 septembre 2025 marque une étape importante dans l’encadrement du crédit à la consommation en France. Pour les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP), elle ne révolutionne pas leur activité mais renforce plusieurs obligations : de transparence, de compétence, d’évaluation des risques et de gouvernance.

Le message clé pour les acteurs du secteur : pas d’affolement, mais préparation et adaptation. La fenêtre jusqu’au 20 novembre 2026 permet de structurer les processus, former les équipes et revoir les modèles économiques. Les intermédiaires qui anticiperont pourront même voir dans les nouvelles dispositions une opportunité de valoriser le conseil (étendu désormais au crédit à la consommation) et de se différencier par une approche plus exigeante et conforme.

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